Expérimenter pour améliorer le bien-être à l'école primaire.

Le quotidien d’une école Rep+ est souvent mouvementée : émotions débordantes, niveau d’énergie excessif lors des récréations, équipe fluctuante. L'école Albert Camus expérimente pour le bien-être des élèves !

La vie quotidienne d’un établissement REP+ est souvent mouvementée : gestion des émotions débordantes, niveau d’énergie excessif lors des récréations, environnement multi langues ou encore équipe d’enseignants fluctuante. Notre école, l’école primaire publique Albert Camus de Villeurbanne ne fait pas exception ; c’est la raison pour laquelle nous avons choisi, dès 2017, de prendre le chemin de l’expérimentation.

Notre double objectif :

  • Améliorer le climat scolaire grâce à la prise en compte et la gestion des émotions par  la formation des enseignants et des élèves.
  • Élaborer de nouveaux gestes professionnels pour permettre à chacun, élèves et enseignants, de vivre un quotidien de classe serein et favorable aux apprentissages.

Accepter l’autre, développer écoute et empathie pour être à même de désamorcer tensions et conflits, voici les quelques clés que nous avons tenté d’activer pour cheminer vers « notre école idéale ».

3 axes pour rendre les récréations plus agréables

Premier axe : Utiliser la médiation entre élèves pour apaiser les petits conflits du quotidien

Les petites tensions quotidiennes dues aux interactions entre élèves peuvent rapidement dégrader le climat scolaire surtout auprès d’élèves d’élémentaire qui n’ont pas encore tous les codes et tout le vocabulaire pour verbaliser leurs émotions. Nous avons donc choisi de renforcer la pratique des « messages clairs », diffusée dans la circonscription par les enseignants de l’école Jouhaux, eux-mêmes formés par Sylvain Connac, pour donner des moyens aux jeunes élèves de gérer les petits conflits de manière autonome.

Pour ancrer ces nouveaux usages, deux d’entre nous ont mis à profit les créneaux d’Aide Pédagogique Complémentaire pour éduquer les enfants volontaires à la médiation entre élèves. Vêtus de leur gilet fluo, les médiateurs arpentent la cour et sont spontanément sollicités par les élèves en difficulté.

Faire appel à l’un de ses pairs pour résoudre un conflit survenu dans la cour de récréation n’est pas chose facile pour les élèves les plus jeunes dont le réflexe est de solliciter leur enseignant : aujourd’hui la diminution des bagarres et les retours d’expérience des médiateurs prouvent que la méthode est efficace.

Deuxième axe : Apaiser le climat en aménageant l’espace, le temps et le contenu des récréations

L’idée était de transformer la récréation en un vrai moment de pause où chaque élève pourrait se sentir libre de choisir une activité, selon sa sensibilité et son besoin du moment. Nous avons donc choisi de réorganiser nos emplois du temps en libérant de nouveaux créneaux pour avoir plus de récréation avec moins d’élèves : cela entraîne mécaniquement moins de mouvements de foule propices aux accidents et au stress de certains élèves. Un pas de plus vers l’apaisement de chacun.

Afin de permettre aux élèves de faire un choix, nous avons installé des boîtes de jeux autogérées par les classes elles-mêmes : quilles, échasses, cerceaux, matériel de roulage, jeux de société et caisses de livres sont disponibles à convenance.

Troisième axe : Donner l’opportunité de pratiquer du basket dans un cadre sain

Pour qu’une pratique du basket se mette en place, nous avons aménagé une « troisième cour » et programmé des séquences sur l’APSA Basket parallèlement aux temps récréatifs des collègues. Notre vigilance sur la mixité pendant le déroulement des séances a payé : au fil du temps, la composition des équipes lors des pratiques libres en récréation s’est naturellement équilibrée. Nous constatons aussi que davantage de jeux collectifs sont mis en œuvre spontanément. Les conflits violents entre élèves ont considérablement réduit.

Apprendre à être à l’écoute de soi-même et des autres

Renforcer les liens entre adultes encadrant pour rassurer les élèves

A la rentrée 2018, c’est autour de la cohérence du règlement que nous avons travaillé avec l’équipe des animateurs des temps périscolaires pour que chaque adulte de l’école applique bien les mêmes règles (dans sa classe, en récréation et sur les temps périscolaires). En nous accordant, les liens avec nos collègues de l’équipe d’animateurs se sont fortement et durablement renforcés et l’on a constaté parallèlement une amélioration globale du comportement des enfants de l’école. Nous pensons que ce travail de coordination a permis à nos élèves de se sentir rassurés et plus en confiance sur leurs différents temps de présence dans l’école.

Guider les élèves vers l’écoute de leurs propres besoins et de ceux de leurs pairs

Pour y parvenir, nous avons exploré plusieurs techniques auxquelles nous nous sommes formés : relaxation, méditation et cohérence cardiaque. Nous pouvons maintenant offrir à nos élèves de petits sas ritualisés de décompression et de concentration favorables aux apprentissages. Ces moments de retour à soi-même sont attendus et bienvenus après l’excitation de la récréation.

Être capable d’écouter et de recevoir sereinement des opinions divergentes, c’est l’objet des « temps de réflexion à visée philosophique » que nous avons eu à cœur de développer, sous l’impulsion de l’équipe du RASED. Ces moments sont de vrais temps de réflexion qui permettent aux élèves de s’exprimer comme d’écouter les autres et de construire peu à peu leurs opinions.

Il est un autre créneau attendu dans notre emploi du temps hebdomadaire, bien qu’il prenne la forme d’une injonction : « Silence ! On lit ! ». Ce retour au calme est apprécié par les élèves qui s’y engagent bien volontiers. Nous sommes là pour « montrer l’exemple » !

Revoir les modalités d’accueil en classe : une clé de la réussite collective des élèves

Les modalités d’accueil en classe ont été revues ; désormais, les élèves n’ayant pu faire leurs devoirs chez eux peuvent les faire tranquillement en classe ; d’autres reverront leurs leçons en s’aidant à plusieurs. C’est un moment privilégié pour un travail différencié.

Dans la continuité de ces aménagements, nous avons pensé qu’il pouvait être utile à certains de disposer d’un temps supplémentaire et d’un espace spécifique pour se sentir accueillis à l’école. Sont alors nés des groupes de besoins « Émotions » qui bénéficient, à leur arrivée à l’école, d’un moment dédié pour échanger avec un adulte référent ou participer à des jeux de société encadrés. Leurs pairs entrent en classe sereinement pendant ce temps et nous sommes alors pleinement disponibles pour eux ; ils installent leur statut d’élève sans perturbation et l’ambiance de classe se pose. C’est dans un cadre instauré que les élèves du groupe de besoin gagnent la classe pour s’y intégrer plus aisément.

Des solutions utiles et transposables dans la vie quotidienne hors de la classe

Des mises en scène ont été proposés aux groupes de besoin « Empathie » pour favoriser la prise de conscience des effets d’un comportement personnel inadapté sur le groupe.

Nous avons bon espoir qu’à l’instar des « messages clairs », tous ces « outils » dépassent le cadre scolaire et que les enfants les mobilisent lorsque leur quotidien les y invite.

Mesurer la réussite : Une expérimentation devenue une pratique quotidienne

Tout au long du projet, nous avons suivi annuellement l’évolution du climat de notre école en nous appuyant sur des questionnaires complétés par les élèves. Nos observations, notre ressenti, celui de nos élèves, de leur famille et celui du personnel des services périscolaires à travers des « récits de vie » ont également été pris en compte. Nous mesurons aujourd’hui tout le chemin parcouru.

Les élèves sont désormais bien dans leur école et les actions mises en œuvre favorisent tout à la fois, la prise en compte de leurs émotions, l’amélioration de leurs apprentissages et un meilleur climat scolaire. Revers de la médaille : nos pratiques sont si solidement ancrées que l’on en oublierait presque qu’elles relèvent d’un projet innovant propre à l’école !

Quant à nous, enseignants, nous avons également investi « messages clairs » et « chaudoudous » pour maintenir le « moral des troupes » dans les moments difficiles ! Chacun a pu partager la vision de son « école rêvée », base de réflexion sur les valeurs profondes que nous souhaitions porter collectivement. Notre engagement et notre coopération s’en sont trouvés renforcés dans d’autres projets dont certains dépassent le cadre scolaire pour se loger au cœur de la vie de notre quartier !

Mise à jour : juin 2022